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LA MARNE EN FEU


Par Charles Le Goffic


Référence : 3169
Date édition : 2012
Format : 14 X 20
ISBN : 978-2-7586-0654-3
Nombre de pages : 172
Première édition : 1916
Reliure : br.

Prix: 22.29€


     Il est probable que si Joffre avait eu le choix de la dénomination de la bataille de la Marne, il aurait choisi un autre terme, plus conforme à la vérité historique et géographique. Une telle amplitude de front ne s'était jamais rencontrée dans l'histoire, et pour la contenir dans une appellation congruente, il eût fallu recourir au langage des abstractions : elle aurait pu s'appeler la bataille du Redressement, par exemple. En lui préférant un nom plus concret mais qui l'enfermait dans un canton étroit, l'opinion publique a peut-être cédé « à l'obscure suggestion qui émane de ces vastes plaines de la Champagne, dont la craie semble une poussière d'ossements et où, d'Aurélien à Napoléon, en passant par Attila, se sont joués presque à toutes les époques, les destins de l'Occident latin aux prises avec la barbarie germaine ». Vieux nom celtique, la Marne signifie la mère, bien que la « tortueuse compatriote » de Diderot, aux eaux claires, lentes et flexibles, ressemble davantage à une nymphe nonchalante. Ni l'Aisne, sur les bords de laquelle la bataille allait ensuite se transporter et se fixer pendant plus de trois ans ; ni la Meuse aux heures rouges de Verdun, ni la Somme lors de l'offensive de 1916, ne furent l'objet d'une dévotion aussi fervente. Lorsque Foch prit le commandement de la 9e armée nouvellement constituée, il était stratégiquement inconnu, sauf de Castelnau et de Joffre. Le 5 septembre 1914, les dernières troupes françaises traversaient les marais de Saint-Gond. Cinq jours de corps à corps, de charges à la baïonnette, de duels d'artillerie ininterrompus, provoquèrent « un brouillard de fumée », comme l'écrivit l'instituteur, M. Roland, dans son journal. Par une illumination de génie, au soir du 8 septembre, accablé sous des forces disproportionnées, Joffre imagina une rocade de la 42e division aux conséquences immédiates et dont l'effet moral fut prodigieux sur ses troupes, donnant l'élan nécessaire pour se jeter sur les talons de l'ennemi et lui enlever Fère-Champenoise dans la nuit du 9 au 10. Quand les vapeurs se dissipèrent, le 10 au matin, « vingt cadavres de villages jonchaient les berges des marais ». Le bétail gisait les pattes en l'air, les vignes pendaient calcinées, la volaille donnait des signes d'empoisonnement, mais sur toute la ligne, l'ennemi battait en retraite. Sur les chaussées, jusqu'à la Marne, la boue « était rouge comme s'il avait plu du sang ».

© Micberth
     

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